2016/06/20

/// 360. / à mi-parcours… ///

Le 19 juin 2016, à mes petit-e-s, à mes ami-e-s, à celles et ceux qui poseront un œil…

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Celui qui, malgré tout, en avait 44.
(on n’a pas tous les jours 23 ans…)

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Quel étrange sentiment !

Parmi : « au milieu, avec, dans le nombre ».*
Ami : [Correspond à l’emploi passif et souvent aussi actif du verbe aimer, la réciprocité étant envisagée ou possible].*

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Au milieu, pile au milieu. Là, à mi-parcours. Je grave et pose une pierre, un graffiti discret, entre deux grains de blé ou de sésame, parmi les grenats, les agates, les loupes, une brindille, et la poussière et la terre et le fumet d’un brouillard plein, épaissi et le ciel bleu qu’abritent les baleines et les étoiles, et la montagne et la forêt qui veillent, sous les vagues, à l’ombre des immeubles et d’un parc endormi. Je coche la case, je la noircis, j’inscris laborieusement ce joli petit bâton qui creuse, irrégulier, qui s’étale à la verticale, sous les précédents qui figurent les jours : 44 (soit un peu plus de 16 000 jours). Un signe particulier, celui du jour pile, du cœur de la cible atteinte, sorte de pivot qui fait miroir, qui joue le mur, et d’un côté et de l’autre, un grand échiquier dont il faut être son propre roi, et toi, ta propre reine, et ne donner à personne le rôle du pion, et jouer avec les fous, en être un soi-même et plus qu’à son tour. J’ai insisté, j’ai voulu jouer les noirs, les blancs, et j’ai cédé parfois sous le poids de la grisaille. Je suis plein de toutes et tous, enlevé malgré moi, parfois consentant. J’ai suivi tantôt, initié parfois et suis parti escalader les collines et les arbres, à cheval, une jambe de part et d’autre de cet étrange édifice : le mur des 44. Et j’entrevois le chemin, là derrière, ci-devant. Il me reste, jusqu’à l’échéance que je connais, la même distance à parcourir. En ligne droite, à la spirale, virevoltant jusques aux tournants, peinant à la pointe des lacets, à la manière sous-labyrinthique des rires puissants ou sardoniques, ou chaleureux, peu importe puisqu’on s’embrasse et qu’on ne s’embarrasse ni des dires, ni des signes inféconds, ni des écoulements lents, acharnés au mal et croupissants. J’ai pris des contre-pieds, observé les autres organiser le jeu, et j’ai pris place dans l’un des wagonnets en choisissant moi-même mon numéro, mon code-barre : E.5131. Triste clown pour se relever, maquiller la face, mais pas seulement. J’en sais un peu plus…

Sur toi, les autres, mes choix, les autres et j’envisage à l’aveugle l’immense plaine bordée de montagnes hautes, d’étendues d’eaux insondables qui m’épient jusqu’à la rencontre. J’ai pensé réserver ce plat froid – chaud c’est selon, sucré, salé, pour demain, pour le jour pile, sur le grill : bonnav’, copain…! Mais le temps, toujours au gris, ces gros nuages qui s’empilent, et les heures et le cadre qui se réduit, j’ai décidé de ne pas attendre et d’attaquer la veille : je suis lent et jamais ne finis. Rien. Et jamais ne finis rien. C’est à se demander ce qu’il adviendra des promesses du 88 (soit un peu plus de 32 000 jours), avec les derniers mots, le dernier regard, le dernier souffle, puisque je ne finis rien…

Je montre ma face, rien n’efface, rien n’oublie, fais pour le mieux malgré mes lâchetés et détours, ajoutant une pincée de courage et d’ouverture à l’autre, que je dérobe, de temps à autre, à l’étal, ne sachant faire seul.

Il est temps de se retourner, de sourire et d’aller de l’avant, de nouveau… Mais d’abord, donc, puisque c’est le moment qui l’impose, je me pose et je songe aux villes : Bordeaux, Paris, Saint-Cyr-sur-Loire, Amboise, Dreux, Saint-Junien, Poitiers, Limoges et les lieux traversés, visités, dont j’ai conservé l’empreinte, les temps passés, pierres ou mobiliers, pierres à l’état naturel, cailloux, rochers, roches, parois, ou pierres taillées, et ma main posée qui masse, amasse, emmagasine, et surtout, surtout, les prénoms, les visages… toutes celles et ceux dont j’ai traversé la vie. Oh oui, je le sais, j’ai fait cette pénible expérience : sitôt parti, sitôt oublié, ou quasi… Mais pas toujours, merci. Des centaines de prénoms (des visages, des sourires, des cœurs, des regards), qui, même perdus de vue (ponctuellement sûrement), m’accompagnent, même invisibles, parti-e-s trop tôt ou depuis longtemps. Les ami-e-s, la famille et l’intelligence de chacun, son souci de l’autre dont je me suis inspiré pour me construire, et le courage qui luit chez la plupart. C’est de cela que nous sommes faits, je crois : des meilleures parts de celles et ceux qui nous entourent.

Toi qui me souhaites le meilleur ou un bon anniversaire, tu n’imagines pas à quel point tu fais partie de ma vie, à quel point tu accompagnes mes interrogations, mes réflexions, mes décisions parfois, ma volonté d’aller de l’avant. A quel point tu joues un rôle important. Ça vaut pour toutes celles et tous ceux que je n’ai pas encore eu l’occasion de rencontrer, avec qui les échanges sont dématérialisés mais pas virtuels.

Les projets, aboutis ou non, les frictions, les embrassades, l’apprentissage de l’affection reçue et procurée. L’autre, l’autre, l’autre, toujours.

Et s’il est difficile de s’échapper, d’outrepasser les cloisons montées à la hâte, ou patiemment élevées et rehaussées par tel ou telle, ou par soi-même en contrecoup, en résonance négative, il se trouve toujours une main, une épaule et la courte-échelle et toi-même… quand c’est ton tour, tu donnes, tu élèves.

Tu sais le petit mot à l’arrière de ma bagnole-poubelle, la p’tite grise qui sillonne les rues… il y est question d’amour, beaucoup, beaucoup, beaucoup… Je reçois des saluts de la main, des sourires au-delà de la vitre. On continue. 44 de plus, avant le clap de fin. Car je suis là, au milieu, pile au milieu. Là, à mi-parcours.

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Eric SABA, le 20 juin 2016.

* cnrtl.fr

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"E. / Syn-" ©PeeAsH
« E. / Syn- » ©PeeAsH